L’Ardèche, le Tarn, la Dordogne, sont les Trois Rivières qui viennent à l’esprit lorsqu’on parle randonnée en canoë. Elle occupe tous les esprits alors qu’un fleuve traverse le territoire sur plus de 1000 km et offre un panel de paysage inégalé avec autant de parcours variés, riches, aux ambiances uniques. Découvrez l’une des destinations les plus prisées du Val de Loire : la Touraine et ses châteaux.
Val de Loire en Canoë-Kayak
Laissons un peu divaguer l’imagination d’un randonneur utopiste qui rêverait à un site idéal, une mecque du canoë ou du kayak… Probablement une rivière, ce qui lui évitera de revenir sur ses pas. Naturelle, sauvage, longue, ou l’évasion peut durer plusieurs jours… Probablement également la liberté de s’arrêter sur ses berges, et mieux sur ses îles, le temps d’un repas ou même d’une nuit…une rivière sauvage mais vivante de sa faune, de sa flore mais également de ses riverains, pas un sanctuaire où la rencontre et le partage est impossible. Une rivière » complète qui coule dans son lit d’un village ou d’une ville à l’autre, qui sort de son lit parfois et qui change au fil des saisons, qui oblige à chercher son chenal en été et impressionne par ses débits excessifs au moindre caprice.
Cette rivière, ce rêve existe, c’est un fleuve long de 1000 kilomètres qui sur certaines de ses portions transforme l’utopie en réalité… ou presque !
Val de Loire : de l’Ardèche à l’Atlantique
1000 kilomètres, 1012 officiellement, la Loire qui prend sa source en Ardèche redescend vers la mer méditerranée sur ses premiers kilomètres puis file vers le nord en direction de Paris avant de bifurquer plein ouest vers l’océan alors qu’elle était à 100 kilomètres de la capitale. Pas vraiment sinueuse en dehors de ces deux grands virages qui lui permettent de collecter 1/5 des rivières de France ! La Vallée des Rois, quand a elle se situe dans sa dernière portion, celle qui rejoint l’Atlantique. Son cœur névralgique, Tours, est à 200 kilomètres au sud de Paris et à la même distance de la côte. C’est la Région Centre Val de Loire et elle porte assez bien son nom! Le point de rencontre de tous ces « fantasmes » du plein-air aquatique, c’est la Loire des châteaux entre Blois et Saumur, sans oublier cette petite portion du Cher, un affluent du fleuve qui accueille le célèbre château de Chenonceau, le seul sous lequel on peut même passer et flâner en canoë.
Attention, le choix de ce parcours a été dicté par la synergie ou la complémentarité constante entre le milieu naturel et le patrimoine. Il existe bien d’autres parcours sur le fleuve où vous pourrez naviguer dans une nature extrêmement riche mais sans pour autant retrouver ce lien entre le fleuve et l’homme.
Le charme et la magie du site réside dans l’incroyable accessibilité de ses sites qu’ils soient naturels mais surtout culturels. Châteaux, villages, églises, sont tous au bord du fleuve comme placé là à l’usage du randonneur ! Il faut préciser qu’historiquement, la Loire a longtemps été un axe majeur de transport, irriguant une grande partie du territoire, permettant notamment de relier l’océan et la capitale via un réseau de canaux. L’installation et la présence des hommes et de ses constructions au bord même de l’eau n’a donc rien de surprenant, ceci pour notre plus grand plaisir.
Batellerie, du transport au loisirs
Chaque village ou ville traversés ne peut cacher les traces plus ou moins visibles d’une activité omniprésente au bord du fleuve. Les quais, perrés, parsemés de lourds anneaux de fer sont des témoins de l’intense activité batelière qui régnait avant que le chemin de fer ne la détrône. Disparu quelques décennies, la navigation renaissante, maintenant exclusivement de loisirs voit fleurir de nombreuses unités de formes et matières traditionnelles. Vous croiserez trois types d’embarcations. Futreaux, bateaux effilés, aux deux pointes profilées, toues, sorte de grosse barque avec parfois une cabane embarquée (toue de pêche) et la gabare, le plus gros des bateaux de Loire, un gros porteur rare que l’on peut compter sur les doigts de la main.
Une faune sauvage : castor et compagnie…
Si dans certains pays, Canada par exemple, le castor est connu de toute la population, parfois même omniprésent dans le paysage par ses barrages imposants, en France il n’en est rien. Depuis le début du 20ème siècle, l’animal avait quasiment disparu du territoire, chassé pour sa fourrure. Seuls quelques individus résistaient proche de la basse vallée du Rhône alors que l’animal occupait toute la France et en particulier toute la Vallée de la Loire. En 1976, 3 couples sont réintroduits en Touraine et depuis, l’animal a re colonisé le fleuve sur la moitié de son cours. Encore peu connu par la population locale, sa discrétion et ses moeurs originaux aidants, le castor est en phase de devenir un animal emblématique. Difficile à observer, ses traces sont par contre omniprésentes…
Côté poils, la place est prise, côté plumes, le martin pêcheur remporte la palme de la couleurs alors que le héron malgré sa taille imposante et longiligne se fait souffler celle de la grâce par les aigrettes, véritables danseuses du fleuve avec leur robes blanches immaculées. Toujours côté plume, un animal » saisonnier » se doit de retenir l’attention du pratiquant. La Sterne Pierre Garin, petite « mouette » effilée, surnommée « l’hirondelle de rivière » niche sur les grèves à même le sol plaçant ainsi ses oeufs sous les pieds des randonneurs. Une vigilance particulière est de rigueur d’Avril à septembre, l’idéal étant d’éviter tout débarquement sur des grèves isolées dépourvues de végétation…
Navigation en toute saison
L’aventure n’a pas de saison dans la vallée de la Loire par contre la navigation diffère, ainsi que la vie autour du fleuve. En été, c’est à dire par basses eaux, seuls les «culs de grèves» et les franchissements de ponts méritent une vigilance. Hors saison ou par hautes eaux la navigation est différente. Les «culs de grèves» disparaissent et les seuils des ponts sont nivelés. Par contre la puissance des débits, et les drossages (sur les berges, troncs…) associés nécessitent une meilleure connaissance de la navigation. Bien entendu, les étapes sont plus longues par fort débit, on peut envisager de parcourir sans problème 40 kilomètres par jour mais cela permet sans allonger les étapes de profiter plus longuement et d’approfondir les haltes et visites.
Les châteaux de la Loire
La métaphore des joyaux sur le collier de pierres précieuses est tellement évidente qu’elle en devient désuète… mais tellement vraie et efficace qu’on ne peut y échapper. Il est vrai que peu d’imagination suffit pour transformer ces bâtisses majestueuses en joyaux. Chacun est unique, possède sa particularité même si leurs histoires sont parfois intimement liées. Chaumont qui sur- plombe son village de ses terrasses, Chenonceaux sur le Cher, l’exception qui enjambe la rivière, Amboise le château royale par excellence, Tours le discret, Candes et Montsoreaux les jumelles incontournables, Saumur le majesteux. Tous ces châteaux prennent un sens supplémentaires lorsqu’on les approche par l’eau. puisqu’ils sont là pour et par le fleuve. Tous pourront vous accueillir via une pause sur les quais ou les rives.
Le Château de Chenonceau
Nouvelle métaphore qui s’impose pour ce château, c’est la cerise sur le gâteau ! Cet édifice unique, si il fait partie de la Vallée de la Loire et bien entendu des châteaux de la Loire est sur le Cher, un affluent quil rejoint le fleuve juste en aval de Tours. Mais il est tout simplement inconcevable de l’éliminer d’un séjour canoë dans la région puisqu’il en est généralement la raison d’être. Le site est idéalement orienté pour capter la lumière du couchant et la navigation en soirée, à des moments ou le tourisme quotidien s’éteint est une expérience unique. Difficile pour autant à décrire, une quiétude profonde, une lumière incomparable, la sensation de naviguer quelques siècles en arrière, aucun élément du paysage ne permet de dater cet instant… tout simplement magique. Naviguer sur le Cher permet également de découvrir ce système de barrages à aiguilles et écluses, installés sur 80 km de cette rivière pour rendre cette portion navigable. Ainsi cette dernière est une succession de biefs de 5 à 6 kilomètres de long avec un courant quasiment nul ce qui permet éventuellement de faire une boucle ou d’emmener des pratiquants que la Loire effraie par son côté sauvage et ses courants plus marqués.
Bivouacs sur une île
Belle étoile, bivouac «sauvage», camping officiel, gîte, chambre d’hôte, hôtel 4 étoiles… Difficile de faire plus complet en ce qui concerne l’hébergement. Le bivouac sur une île (feu restreint à la cuisine) restera probablement le plus authentique même les autres modes d’hébergements permettent de faire une coupure souvent appréciable à l’option «tout naturel»… Il est bon de rap- peler que là ou on peut dormir, on peut se restaurer. S’arrêter sur une rive pour faire une pause culinaire, une visite du village et quelques flâneries donne la simple mais néanmoins très agréable sensation de vagabonder au grès du fleuve. Ne pas se priver non plus des marchés qui occupent les quais de Loire ce qui permet la plupart du temps d’y faire des ravitaillements insolites….
Portages, la Loire à vélo…pas en canoës!
Comble du paradoxe alors que la Loire est équipée d’une piste cyclable sur tout son cours, il reste encore impossible de franchir certains ponts alors que peu d’aménagements seraient nécessaires. C’est le cas de beaucoup de ponts anciens aux arches rondes et nombreuses qui sont souvent encombrés de rochers plus ou moins naturels, barres de fer issues de consolidations passées. Sur le parcours choisi, deux ponts doivent être franchis avec vigilance et en particulier par basses eaux. Celui d’Amboise et celui de Tours, le plus ancien c’est à dire le 4ème lorsqu’on rentre dans l’agglomération de Tours. En cas de doute, des portages courts sont possibles, dans ces deux cas en rive gauche ou en rive droite. Il faut simplement anticiper l’exercice et débarquer très en amont de l’obstacle pour vérifier ou non le passage ou le portage.
UNESCO, Val de Loire, Patrimoine Mondial
Ca ne change pas grand chose lorsqu’on est sur l’eau, mais si l’on y réfléchit à deux fois ce classement a un sens, et plus profond qu’il n’y paraît. Parmi les trois grands critères celui qui retient l’attention du randonneur et qui est largement palpable durant la navigation, à la simple approche de certains sites emblématiques ou lors d’une simple pause café sur le quai du coin, c’est le troisième : “Ce paysage témoigne d’un développement harmonieux entre l’homme et son environnement sur deux mille ans d’histoire.”
Ce classement est un label de qualité, une reconnaissance internationale mais dans «<l’usage» du fleuve et en particulier en canoë, il n’engage en rien, n’engendre pas d’ interdictions quelconques. Que le parcours soit sur un site classé ou non ne doit pas causer une modification du comportement des randonneurs, l’idéal étant bien entendu d’être le plus respectueux possible. Certaines zones sont par contre touchées par des arrêtés de biotope qui interdisent à juste titre l’accès à certains îles, berges ou îlots qui sont propices à la nidification d’oiseaux migrateurs.
La Loire sur tout son cours et également sur celui de son principal affluent, l’Allier, sont des terrains de « jeux » et d’aventure uniques avec un niveau de liberté dans l’usage du milieu naturel qu’il est très rare de retrouver ailleurs que ce soit en Europe ou en Amérique du Nord.
Navette, train et canoë, tout est possible!
Comme toute bonne rivière qui se respecte, impossible d’échapper à la navette ! Parfois bruyante lorsqu’elle est trop proche du fleuve mais tellement pratique, rapide et écologique lors de la navette, la voie SNCF et le chemin de fer restent la solution salutaire. Le principe est simple, il suffit de partir et d’arriver dans deux villes qui disposent d’une gare proche du fleuve ce qui est le cas pour la majorité. La navette consiste à laisser tout le matériel et participants au point de départ, de se rendre au point d’arrivée pour y stationner le véhicule avant de rejoindre le point
de départ en train. Pour une descente Amboise Saumur soit environ 100 kilomètres et 3 ou 4 jours de descente par la Loire, il faut compter 3 à 4 heures de navette avec un seul véhicule.
Autres activités : vélo, montgolfière…
Même si 3 jours de canoë en autonomie permettent une approche intime et insolite de la Touraine et des châteaux de la Loire d’autres activités » douces » permettent de peaufiner la découverte que ce soit sur terre avec les pistes cyclables qui longent le fleuve et les airs avec le vol en montgolfière…